Télétravail chez les avocats : pourquoi les cabinets peinent à le démocratiser ?

Télétravail chez les avocats : pourquoi les cabinets peinent à le démocratiser ?

Jamais l’exercice de sa profession à distance n’avait eu autant le vent en poupe que depuis Mars 2020. Avec la crise sanitaire engendrée par le Covid 19 et le confinement qui s’en est suivi, le pourcentage des collaborateurs, tout secteur confondu, qui ont poursuivi leur activité en télétravail s’est envolé pour atteindre les 40%. Même si de façon générale, les entreprises tendent à l’adopter et le mettre en place aujourd’hui, bon nombre d’entre elles restent réticentes à cette nouvelle façon de travail, loin du bureau. Parmi eux les cabinets d’avocats d’affaires.

Le constat est clair, le retour culturel n’aura pas lieu. Le Covid 19 a engagé un tournant dans la façon de travailler des collaborateurs. Le télétravail est bien parti pour s’inscrire dans les pratiques courantes des entreprises françaises. Selon Denis Monneuse, sociologue, “Il n’y aura pas de retour en arrière. Les freins culturels, liés notamment au fait que les managers aiment avoir leur équipe à proximité, mais aussi les freins technologiques et d’ordre sécuritaire ont sauté du jour au lendemain dans beaucoup d’entreprises”. Depuis longtemps pratiqué dans de nombreux pays (Pays-Bas, Finlande, Brésil, Inde et Australie, notamment), la France prend enfin le tournant du télétravail, malgré elle.

Et cela semble bien opérer. Plusieurs sondages ont démontré qu’une bonne partie des personnes en situation de télétravail étaient plutôt satisfaites, qu’il s’agisse de salariés ou de leurs responsables. Même s’il doit encore être davantage encadré et borné par des règles claires, le télétravail est parti pour prendre ses marques.

Aussi, même si de nombreuses entreprises tendent à se réorganiser en favorisant le télétravail comme mode de fonctionnement à long terme et non uniquement en contexte Covid, certaines restent réticentes à l’idée d’emprunter cette voie. Les cabinets d’avocats d’affaires notamment, où le présentéisme est largement favorisé.

En qualité de cabinet de recrutement pour les professions juridiques, nous rencontrons de plus en plus d’avocats collaborateurs en recherche de plus de flexibilité. Ces collaborateurs ne recherchent pas forcément à pouvoir pratiquer le télétravail de façon hebdomadaire, mais veulent se réserver la possibilité d’y avoir recours lorsque la situation s’y prête. Et ce souhait s’est accentué très nettement depuis le Covid 19. Ils nous opposent souvent le fait que leur cabinet actuel y est très réticent, sans invoquer de raison particulier à son refus.

Comme le mentionnait un article récent du Magazine Les Echos, certains cabinets font naturellement office d’exception. Parmi eux, le cabinet Allen & Overy autorise tous ses avocats à une journée de télétravail par semaine depuis plusieurs années et en fait d’ailleurs un argument pour attirer les meilleurs profils; Le cabinet Red Smith quant à lui, a vu depuis longtemps l’opportunité offerte pour lui par le télétravail de s’étendre à l’international. Aussi, en septembre dernier, le cabinet d’avocats DS Avocats aurait également institutionnalisé le télétravail grâce à une charte autorisant une journée par semaine au choix du collaborateur.

Mais de façon majoritaire, la fin du confinement a signé le retour au bureau en présentiel pour la majorité des collaborateurs de cabinets d’avocats d’affaires.

Alors comment expliquer une telle réticence à pratiquer le télétravail ?

L’argument avancé par les associés et managers d’équipe est souvent celui lié à l’impératif d’être sur place, pour la manipulation des dossiers et le travail d’échange sur ces derniers entre avocats. Aussi, la baisse du sentiment d’appartenance et la peur de perdre le lien social, ou encore la perte de temps liés à la multiplication des moyens de communication seraient autant de craintes partagées par les associés des cabinets d’avocats d’affaires.

Mais une journée de télétravail par semaine peut-il amener à rompre le lien social au sein d’une équipe ? Pratiquant nous-même le télétravail, cet argument ne fait pour nous définitivement pas le poids. La question de la confiance accordée à ses collaborateurs ne serait-elle pas la question centrale ? Il est indéniable que demain les cabinets d’affaires les plus recherchés et attractifs aux yeux des candidats seront également ceux offrant des possibilités de télétravail à raison de quelques jours par mois.

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